Livestock Research for Rural Development 33 (7) 2021 LRRD Search LRRD Misssion Guide for preparation of papers LRRD Newsletter

Citation of this paper

Contribution à l’étude de la valeur fourragère des prairies permanentes algériennes.
Caractérisation botanique et agronomique en région centre

H Rami, C Chibani-Khetib1, M Medjadbi2 et R Chabaca

Ecole Nationale Supérieure d’Agronomie, Hassen Badi El harrach16 200. Algérie
bea_dram@yahoo.fr
1 Ecole Normale Supérieure, Kouba, Algérie
2 CIHEAM Zaragoza, MediterraneanAgronomic Institute of Zaragoza

Résumé

Le cadre général dans lequel s’inscrit ce travail est celui qui vise d’améliorer la productivité de tous les supports de production fourragère du pays, afin de réduire, le déficit fourrager chronique (-7 milliards d’unités fourragères) que connait l’élevage des herbivores en Algérie. Parmi ces supports, la prairie permanente (1 milliard d’unités fourragères en 2020) est un atout important compte tenu des réserves de productivité dont elle recèle. Cette première investigation a trait à l’étude sur trois années consécutives, des paramètres botaniques, agronomiques et zootechniques d’une parcelle de 0.65 ha de prairie permanente (vierge de tout soin et intervention anthropique à l’exception d’un fauchage annuel au printemps pour fabriquer du foin). Elle est située dans la région centre (en zone subhumide) qui porte 36% de la superficie des prairies naturelles nationales.

La méthode de prélèvement des échantillons (Ec) frais sur la parcelle et de calcul des paramètres botaniques : abondance et fréquence des espèces, ont été inspirées de De Vries (1959) et de (Théau et al, 2010). Les prélèvements en vert sont effectués à la mi-mai, pour identifier les espèces, calculer les paramètres botaniques, doser les composants chimiques et calculer la productivité en biomasse.

Des résultats, il apparait que la composition floristique de la parcelle est de 20 espèces végétales identifiées, générées par 9 familles de plantes desquelles, 2 familles : les Fabaceae et les Poaceae absorbent en moyenne, l’essentiel de l’abondance : respectivement 47 et 40 %, soit 87%. Secondairement se classent, des Convolvulaceae et des Aspéraceae. Une espèce et une famille sont remarquées dans ce décompte : Hedysarum flexuosum une Fabaceae est l’espèce la plus abondante de la parcelle mais est inscrite sur la liste rouge de l'UICN (l’Union international de conservation de la nature). Avec 7 espèces, la famille des Aspéraceae bien que d’abondance très relative, est la plus prolifique. La productivité en biomasse (Tableau 4) est très élevée et très variable (7 tonnes/ha de matière sèche en année 1 et 4 tonnes en année 3) comparativement à la productivité locale qui est de l’ordre de 3 tonnes. La composition chimique des Ec prélevés en année 1, est comparable à celle d’une paille de céréale pour la lignine (9%) et à celle d’un foin moyen courant pour l’azote (10%). Pour ces deux composants, l’Ec en année 1 diffère (P< 0.01) de ceux des années 2 et 3 (Tableau 5).

Pour une meilleure connaissance de la dynamique de la prairie, il est envisagé d’étendre l’étude à l’hiver et l’automne.

Mots clés : Algerie, biomasse, composition floristique, paturage, rendement en sec, ruminants


Contribution to the study of the forage value of Algerian permanent grasslands.
Botanical and agronomic characterization in the central region

Abstrac

The framework of this survey, aims to study and improve the productivity of all fodder production supports in the country, to reduce the chronic fodder deficit (-7 billion fodder units) experienced by the country breeding of herbivores in Algeria. Among these supports, the permanent grassland (1 billion fodder units in 2020) is an important asset given the productivity reserves it contains. This work relates to the study over three consecutive years, of the botanical, agronomic and zootechnical parameters of a plot of 0,65 ha of grassland (virgin of any anthropogenic care and intervention with the exception of an annual mowing in spring for making hay). It is located in the central region (in a subhumid zone) which covers 36% of the surface area of ​​the national natural grasslands.

The method of taking fresh samples on the plot and calculating the botanical parameters: abundance and frequency of species, were inspired by De Vries (1959) and (Théau et al 2010). The work sequences are: - Around mid-May: green sampling to identify species, calculate botanical parameters, measure chemical components and calculate biomass productivity - One week after fresh sampling, mowing to make hay takes place. The latter will also be sampled for the purposes of chemical assays, it’s in vivo digestibility in sheep and its feed value - every October, we begin the measurements on animals.

According to the results, it appears that the floral composition of the plot is 20 identified plant species (Table 2) resulting from 9 families of plants of which, 2 families: the Fabaceae and the Poaceae absorb on average, most of the abundance: respectively 47 and 40%. Secondarily, Convolvulaceae and Asteraceae are classified. A species and a family are noticed in this count: Hedysarum flexuosum a Fabaceae is the most abundant species of the plot but is registered on the red list of the IUCN (the International Union for the Conservation of Nature). With 7 species, the Asteraceae family, although very relatively abundant, is the most prolific.

Biomass productivity (Table 4) is very high and very variable (7 tonnes / ha of dry matter in year 1 and 4 tonnes in year 3) compared to local productivity which is around 3 tonnes. The chemical composition of the sampling taken in year 1 is comparable to that of cereal straw for lignin (9%) and that of common average hay for nitrogen (10%). For these two components, the sampling in the first year is different (P <0,01) from those in the second and third years (Table 5). For a better understanding of the dynamics of the prairie, it is planned to extend the study to winter and autumn.

Keywords: Algeria, biomass, dry yield, floristic composition, pasture, ruminants


Introduction

En Algérie, pour une superficie de 238 millions d’hectares de terres (ST) que dispose le pays (FAO 2007), la superficie agricole (SA) est de 41 millions d’hectare (ha). Le rapport SA/ST est de 17% contre 50% pour un groupe de quinze pays méditerranéens (GPM) étudiés par Chabaca (2010). L’Algérie se plaçant ainsi, parmi les trois derniers du groupe avec l’Egypte (4%) et la Libye (9%). Sur les 41 millions d’ha de SA, 33 millions sont consacrés à la production fourragère (Nedjraoui 2003) : dont 87,70 % sont occupés par les parcours steppiques et par les pacages ; 10.6 % par la jachère ; 1,6% par les cultures fourragères et 0,17 % par les prairies permanentes.

Par ailleurs, la progression plus rapide des effectifs des grands herbivores (49% en 10 ans) comparativement à celle des superficies fourragères : 33% en 10 ans (Ladjali et Tayeb Bey 2016) a encore creusé le déficit chronique du bilan fourrager qui sévit dans le pays depuis les premiers travaux de Moskal (1983), il y a 40 ans, qui l’établissait à -3,3 milliards d’UF. En 2016 il était de – 7,3 milliards d’UF pour un besoin total de 13,3 de milliards d’UF, soit un taux de couverture de seulement 45% (Ladjali et Tayeb Bey 2016). Il apparaît donc que, augmenter les disponibilités en UF devient une nécessité pour préserver à long terme les capacités de production de viande de ruminant dont le pays a besoin. Parmi les pistes qui ont été proposées, nous notons plusieurs : remplacer progressivement, le système de jachère (installé par les romains il y a 2000 ans et qui aujourd’hui représente 43% de la SAU totale (3,5 millions d’ha). En effet, laissé en pâture aux animaux, il ne fournirait qu’entre 200 et 360 UF/ha/an (Nedjraoui 2003). Sa substitution se ferait par le système australien de Ley Farming (MADR 2012 ; Alane 2019) : régénérer les parcours steppique par des plantations d’arbuste fourragers (Houari et al, 2021) ; remplacer le vénérable foin de veste avoine par son ensilage (Belaïd 2014). Aussi, réveiller et exploiter d’une part, les sources dormantes d’unités fourragères des pailles traitées à l’ammoniac ou à l’urée (Yahiaoui 1992 ; Triki 1998 ; Yakhlef 2003 ; Chabaca 2004 ; Belaid 2016) et d’autre part, celles des prairies permanentes dont la productivité est en moyenne de 20 quintaux de MS par ha et par an : (8,4 à 31,0) selon les conditions pédoclimatiques de l’année (Nedjraoui 2003) contre 35 à 50 quintaux par ha pour la France Méditerranéenne. Il subsiste donc dans le pays une forte réserve de productivité des prairies permanentes.

Valoriser ces réserves de productivités revient dans un premier temps à mieux connaître les caractéristiques du sol, la nature floristique du couvert végétal, sa valeur quantitative et qualitative pour le bétail de ces prairies permanentes. Dans un deuxième temps, explorer les possibilités d’amélioration de leur productivité par des actions d’aération, de scarification de sursemis et de fumures sur tout le territoire national, dont la superficie en 2020 était de 59055 ha pour une production de 1 846 262 quintaux (MADR 2020).

Dans ce premier travail, nous avons investigué pendant trois années consécutives une prairie permanente située dans la région centre de l’Algérie.

L’objet de l’étude porte d’une part sur des paramètres botaniques : composition floristique, fréquence des espèces et leur taux d’abondance, et d’autre part sur des paramètres agronomiques : phytomasse produite ainsi que sa composition chimique.


Matériel et méthodes

Présentation de la zone d’étude

La presque totalité des prairies permanentes (PP), dites aussi prairies naturelles ou encore STH (surface toujours en herbe) du pays sont situées dans les étages bioclimatiques : humides et subhumides d’isohyètes 800-1200, principalement situées au Centre et au Nord-est. Dans ce travail, nous utiliserons le terme de prairie permanente (PP).

L’étude a été menée au niveau de la wilaya de Boumerdès, située au Nord-est de l’Algérie. La région est caractérisée par un climat de type méditerranéen avec des hivers doux et humides et des étés chauds et secs.

D’une superficie de 0,65 ha, la parcelle expérimentale a toujours été vierge de fertilisation et d’irrigation. Sa présentation est donnée par la figure 1.

Elle est couverte d’une végétation spontanée, et n’a fait l’objet d'aucune gestion particulière qui pourrait interagir en interannuel sur le comportement de la prairie.

La zone par son climat, est représentative de la région centre qui porte 36% des prairies permanentes du pays. Le relevé des hauteurs mensuelles de pluie durant les trois années d’étude, fait ressortir en moyenne un cumul pluviométrique annuel de 815,1 ; 755,3 et 901 mm avec un maximum aux mois de novembre, décembre et janvier et un minimum aux mois de juillet et août. La moyenne annuelle des températures est respectivement de 18,9 ; 18,4 et 17,25°C avec un maximum au mois d’août (29,6 °C) et un minimum au mois de janvier (9,3 °C).

Obtention des échantillons

Le travail a été mené au cours du printemps (2e semaine du mois de Mai) durant trois années consécutives (2017 ; 2018 et 2019). Portant un faciès végétal diversifié et hétérogène, la méthode simplifiée de l’aire minimale de Theau et al 2010, nous semblait la plus adaptée, pour mesurer les paramètres botaniques et agronomiques dont nous avions besoin, nous l’avons adoptée.

A la date de l’échantillonnage chaque année, la plupart des Fabaceae était au stade phénologique floraison, les Poaceae au stade épiaison-floraison et la plupart des autres espèces, au stade floraison.

Le principe de l’échantillonnage est basé sur des jetés de cadre sur un transect traversant tous les facies de la végétation (Figure 1).

Figure 1. Transect traversant tous les facies de la végétation

Cette méthode a pour avantage de limiter le nombre d’observations tout en augmentant la surface étudiée. Nous avons retenu de réaliser 7 observations (donc 7 jetées de cadre), avec un cadre de 50 cm de côté (soit : 0,25m 2) parcourant en zigzag toute la parcelle. L’échantillon prélevé est la végétation présente dans le cadre. Les coupes sont faites par poignée de touffes d’herbes à 5 cm de la surface du sol à l’aide d’un sécateur.

En parallèle, pour connaitre la qualité du sol, des échantillons de terre sont prélevés en vue d’analyse physico-chimique. Ces analyses ont été faites en année 2 pour encadrer l’année 1 et l’année 3.

Calcul de quelques paramètres botaniques de la végétation

Les espèces dominantes qui contribuent le plus à la production de biomasse dans chaque cadre sont identifiées sur la base de nouvelle flore d’Algérie couramment référencées par la communauté scientifique (Quézel et Santa ,1963) et leur abondance est évaluée selon le code de notation proposé par De Vries (1959) : notes s’étalant de 0 à 6. Pour chaque espèce identifiée, son taux d’abondance (B%) sur la parcelle est alors calculé par la formule :

(n : étant le nombre de cadres)

Il s’agit d’une approche agronomique dite quantitative (Théau et al 2010) où la présence d’une espèce dans le cadre ne vaut que par son abondance. Une note minimale de 1 (en gardant le score total de 6 pour chaque cadre) est nécessaire pour considérer une espèce comme étant « abondante ». Nous avons néanmoins signalé les autres espèces présentes dans le cadre par un « + ».

Dans notre échantillonnage, nous avons réalisé un prélèvement à 7 cadres, il s’en suit que l’abondance minimale d’une espèce sur la parcelle au moment de l’échantillonnage est de 1/42 soit moins de 2,5% de l’abondance.

La fréquence est le nombre de fois qu’une espèce est présente dans les cadres. Dans notre cas, pour une session de mesures, le nombre de fois maximal est de 7. Le taux de fréquence est alors de 100%.

Dans l’approche agronomique que nous faisons de cette étude, nous n’appellerons pour constituer la composition floristique (CF) de la parcelle, que les espèces dont la somme des fréquences (ΣFE) a été au moins de 2 durant l’étude. Le poids (en %) de chaque espèce dans la somme totale des fréquences ΣTF sera calculé par l’expression :

Traitement de la phytomasse prélevée

La production de biomasse aérienne a été estimée par le rendement en sec par récolte de la totalité de la végétation dont le point d’enracinement se trouve à l’intérieur des cadres. Les coupes sont faites à 5cm de la surface du sol.

Les échantillons prélevés sont pesés extemporanément (poids frais) puis séchés à température ambiante jusqu’à obtention d’un poids constant (poids sec). Les résultats obtenus sont alors extrapolés à l’hectare.

Les échantillons secs ont été par la suite broyés et conserver à l’abri de l’humidité dans des sachets résistants en vue d’analyse fourragère et de la paroi : teneurs en matière organique (MO) ; matière minérale (MM) et en matières azotées totales (MAT) selon AOAC (1990). La paroi totale (NDF), la lignocellulose (ADF) et la lignine brute(ADL) sont déterminées selon Van Soest et Wine (1967).

Analyses statistiques des résultats

Les résultats les plus importants ont fait l’objet d’analyses statistiques descriptives (moyenne, écart type) et d’analyse de la variance (Anova) suivi d’un test de Student pour les plus importants. Les calculs ont été réalisés à l’aide du logiciel S-PLUS version 4,5 (1998).


Résultats et discussion

Analyse physico chimique du sol

Les résultats de l’analyse physico chimique du sol de la parcelle (tableau 1) montrent que le sol a une texture limono argileuse, ce qui indique qu’il est compact et peu aéré, mais retient l’eau ; qu’il est froid en hiver et s’échauffe lentement. Nous insisterons plus particulièrement sur le taux de MO et sur le pH du sol.

Tableau 1. Analyse physico chimique du sol de la parcelle

Horizon

H1

Granulométrie (en %)

A

38,8

LF

24,7

LG

16,7

SF

9,4

SG

10,4

CaCo3 Total (en %)

12,38

CaCo3 Actif (en %)

4,71

CEC (en méq/100g)

18,48

pH (au 1/5)

8,35

C.Emmhos/cm (1/5)

0,03

P2O5 ppm

57,25

C %

0,36

MO %

0,62

Na+(en méq/100g)

0,55

K+(en méq/100g)

1,31

Ca++(en méq/100g)

9,28

Mg++(en méq/100g)

7,78

Cu++(en méq/100g)

0,001

Fe++(en méq/100g)

0,003

Mn++(en méq/100g)

0,002

Zn++(en méq/100g)

0

A : Argile ; LF : Limon fin ; LG : Limon grossier ; SF : sable fin ; SG : Sable grossier

La MO, joue un rôle important dans le fonctionnement de l’écosystème du sol (Laboubee, 2007) : rétention d’eau ; réservoir d’éléments nutritifs ; capacité d’échange (meilleure que celle de l’argile) ; par sa couleur sombre, elle favorise le réchauffement du sol, son aération et sa structure ; de même, les microorganismes essentieles à la qualité du sol se développent à son dépend. La teneur du sol en MO est très variable : comprise entre 1 et 10 % du poids sec du sol (Laboubee, 2007). Chouinard et Drummondville (2000) donnent l’échelle suivante d’appréciation de la teneur en MO des sols cultivés. Moins de 2 % sol pauvre ; 2 à 5 % teneur moyenne et + de 5 %, sol riche.

Nous n’avons pas trouvé dans la littérature, des teneurs de référence en MO des PP, néanmoins, avec seulement 0.62 % (consécutivement à un taux de carbone presque négligeable : 0.36 %), celle de notre parcelle nous parait très faible et par conséquent insuffisante, pour assurer les fonctions importantes qui lui sont dévolues dans la fertilité du sol.

Quant au pH, il conditionne en très grande partie la vie du sol, donc sa qualité. En agronomie, les spécialistes, pour apprécier la qualité physico-chimique d’un sol, se basent sur des échelles de pH ainsi établies : acide 5 < pH < 6 ; légèrement acide 6 < pH < 6,6 ; neutre 6,6 < pH < 7,4 ; légèrement alcalin 7,4 < pH < 7,8 ; Alcalin pH > 7,8 (Luxen et al 2016). Il en résulte qu’ils considèrent que la fertilité du sol n’est pas impactée, lorsque le pH se situe dans une plage comprise entre 6,5 (légèrement acide) à 7,5 (légèrement alcalin). Dans cette zone, la croissance des Rhizobias nodulants, des racines des légumineuses est optimale (Rodrigues et al (2006) ; Cheriet (2016). De même, la plupart des éléments nutritifs sont absorbés de façon optimale par les plantes et compatible aussi avec la croissance de leurs racines (Lochon 2018). Ces dernières étant souvent en interactions avec l’activité de la microflore : notamment, les fabacées dont les PP sont très fréquemment porteuses. De même, au voisinage de la neutralité (pH7), la conversion microbienne de l’ammoniac en nitrate est plus rapide tout comme, l’assimilabilité des éléments principaux comme l’azote, le phosphore, le potassium, le souffre et le magnésium. (Maciejewski et Osson 2015). En plus, un pH neutre favorise la dégradation des produits phytosanitaires.

En définitive, le pH de notre parcelle, en s’installant au-dessus de 8, est carrément alcalin. Ce niveau est susceptible d’impacter négativement la nutrition des plantes de la parcelle, ceci d’autant plus que le CEC à plus de 18 est considéré comme trop élevé pour des échanges satisfaisants .En y ajoutant, sa très faible teneur en MO et en phosphore assimilable (le phosphore se complexe avec le calcaire en sol à pH alcalin), son statut nous semble être celui d’un sol à faible fertilité.

Composition floristique au printemps de la parcelle

La composition floristique (CF) est définie comme l’ensemble de toutes les espèces végétales rencontrées dans la zone d’étude sans rendre compte ni de leur abondance ni du niveau de leur participation respective à la structure de végétation (Scouppe 2011). Cette approche est celle de la phytosociologie. Gamoun et al (2011) parlent tout simplement de richesse floristique quantitative pour désigner la CF.

Notre approche est plutôt agronomique, donc qualitative, faisant ressortir les espèces dominantes qui participent à l’abondance des formes de vie et leur poids dans la couverture végétale. Pour ce faire, nous utilisons la Fréquence des espèces sur la parcelle selon la formule (3).

Des trois années d’expériences que nous avons menées sur la parcelle, à raison de 7 jetées de cadres par an, le nombre de fois maximum qu’une espèce peut y être répertoriée et retenue est de 21 fois. En effet pour une espèce donnée la F maximale par an est de 7 (les détails des fréquences spécifiques sont donnés dans le tableau 3). Celles qui obtiendraient ce score de 21 seraient dans l’absolu, présumées être présentent sur toute la parcelle puisque, le transect dessinant la place des cadres sur la parcelle est en principe représentatif de la couverture végétale de celle-ci (figure 1).

Dans ces conditions, notre étude a inventorié 20 espèces, réparties en 9 familles végétales (Tableau 2). Sur ces 20 espèces, 14 espèces (regroupant 6 familles de plantes) étaient suffisamment abondantes pour être notées et retenues (Nous l’appellerons groupe A). L’objectif de l’étude étant de travailler sur les espèces dominantes de la parcelle. Les 6 autres (groupe B) ont bien été signalées et identifiées (signe +) mais n’ont pas été retenues car en trop faible abondance. D’ailleurs 4 (sur 6) de ces espèces n’ont été signalées qu’une seule année sur les trois ans d’études et majoritairement en année 2 (Voir les détails par an dans le tableau 3). Ce résultat ne signifie pas pour autant que ces espèces très secondaires ne seront pas dominantes sur la parcelle, en été, automne ou en hiver. D’où la nécessité d’étudier dans la suite du travail, le dynamisme de la végétation sur les 4 saisons de l’année et non pas seulement au printemps, comme l’ont montré Mebirouk-Boudechiche et al (2010).

De ces 20 espèces identifiées, 7 (35%) sont vivaces, 13 (65%) sont annuelles (Tableau 2).

Les noms vernaculaires n’appellent pas de commentaires particuliers sauf le Sulla qui est une plante fourragère, connue dans le bassin Méditerranéen qui serait menacée de disparition.

Durant les trois années d’étude, la somme totale de F (ΣTF) que les 14 espèces du groupe A ont validée dans les cadres est de 74, nous ramenons le score individuel de chaque espèce par rapport à ΣTF, nous obtenons le poids de chaque espèce dans le groupe A. Les résultats apparaissent dans le tableau 2. Il ressort que 4 espèces (2 familles) : absorbent 73% de la ΣTF.

L’espèce la plus remarquée est Avena sterilis une Poacée, qui à été présente 20 fois dans les cadres (sur une possibilité de 21 fois) : elle absorbe à elle seule 27,1 % de la ΣTF. La deuxième espèce classée est Melilotus indica, une fabacée avec le score de 16, absorbant 21,6 % de la ΣTF, puis une Fabaceae, Hedysarum flexuosum : 16,2% et de nouveau une Poaceae (Phalaris truncata) : 8,1%. Les espèces secondaires, présentent des scores honorables : Convolvulus bicolor (5.4%) ; Convolvulus althaeoides (4,1%) ; Galactites tomentosa et Strachys ocymastrum, respectivement 4,1 %. Celles très mineures ayant un score variant entre 1,3 et 2,7 (Tableau 2).

Nous observons cependant, que même si les Poacées et les Fabacées absorbent 73 % de la ΣTF, marquant ainsi leur forte fréquence et domination quantitative, c’est la famille des Astéracées qui est la plus prolifique en espèces avec 8 (40% du total des espèces recensées contre 3 au plus (16%) pour les autres familles (tableau 3).

Les espèces dont la somme des fréquences (ΣFE) a été au moins de 2 durant toute l’étude (tableau 2), contribueront à la constitution de la CF moyenne de la parcelle au printemps, pour les trois années d’études. Elle est illustrée par la figure 2.

Les détails pour chaque année est visible dans le tableau 3. 9 espèces (dont 6 familles) sont concernées. L’espèce la plus faiblement représenté : Daucus carota, (Asteraceae) a un poids de 3% de la ΣTF et celle la plus fortement représentée est Avena sterilis (Poaceae) avec un poids de 29%.

Figure 2. Composition floristique de la parcelle


Tableau 2. Composition floristique, proportions relatives des espèces identifiées sur la parcelle et leurs types végétatifs

Espèces Identifiées

Familles

Type
Végétatif

Présences

Vernaculaires Français

ΣFE

En %ΣTF

Années

Avena sterilis

Poaceae

Annuelle

20

27,1

1 ; 2 ; 3

Avoine sauvage

Phalaris truncata

Poaceae

Vivace

6

8,1

1 ; 2 ; 3

Alpiste tronqué

Melilotus indica

Fabaceae

Annuelle

16

21,6

1 ; 2 ; 3

Mélilot des Indes

Hedysarum flexuosum

Fabaceae

Vivace

12

16,2

1 ; 2 ; 3

Sulla

Galactites tomentosa

Astéraceae

Annuelle

3

4,1

1

Chardon

Daucus carota

Apiaceae

Annuelle

2

2,7

3

Carotte sauvage

Irschfeldia incana

Brassicaceae

Vivace

+

-

1

Roquette jardin

Scolymus sp

Astéraceae

Vivace

+

-

1

Chardon jaune

Strachys ocymastrum

Lamiaceae

Annuelle

3

4,1

3

Faux basilic

Centaures pullata

Astéraceae

Annuelle

1

-

3

Centaurée brune

Borago officinalis

Boraginacea

Annuelle

+

-

2

Bourrache

Fumariaca preolata

Papaveraceae

Annuelle

+

-

2

-

Calendula arvensis

Astéraceae

Annuelle

1

1,3

3

Souci sauvage

Sinapis arvensis

brassicaceae

Annuelle

+

-

2

Moutarde sauvage

Hyoseris radiata

Astéraceae

Vivace

+

-

2

Hyoséride verdoyante

Chrysanthemum myconis

Astéraceae

Annuelle

1

1,3

2

Chrysanthème de Mykonos

Convolvulus bicolor

Convolvulaceae

Annuelle

4

5,4

1 ; 3

Liseron bicolore

Convolvulus althaeoides

Convolvulaceae

Vivace

3

4,1

2 3

Liseron mauve

Medicago sp

Fabaceae

Vivace

1

1,3

3

Luzerne sauvage

Pichris communis

Astéraceae

annuelle

1

1,3

3

-

Total ΣF et % TΣP

-

-

74

98,9

-

-

+ : très peu abondante : moins de 1/6 ; ΣFE: somme Fréquence espèce ; % ΣTF : en %, somme totale ΣTF

Il est difficile d’apporter par comparaison avec d’autres travaux algériens, une appréciation sur la richesse spécifique de la végétation sur la parcelle. En effet, il est logique de penser que le nombre d’espèces que porte une PP sera d’autant plus élevé que la surface est étendue. Yahiaoui (2011) avait récolté : 12 espèces sur jachère ; 9 sur chaumes ; 18 sur la steppe, mais l’étendue de l’aire de récolte n’avait pas été précisée : le caractère recherché de l’espèce récoltée étant sa palatabilité. Néanmoins, 4 de nos espèces identifiées sur la parcelle :Avena sterilis ; Melilotus indica ; Sinapis arvensis et Medicago sp, ont été retrouvées sur jachère dans la région de Tiaret ; de même, 7 espèces partagées : Avena sterilis ; Calendula arvensis ; Convolvulus althaeoides ; Galactites tomentosa ; Centauria pullata et Daucus carota ont été identifiées par Salhi (2013) sur prairies, dans la région de Chlef (Tableau 3). Mais aucune de nos espèces identifiées sur la parcelle ne l’a été sur chaumes et sur la steppe par Yahiaoui (2011). Mebirouk-Boudechiche et al (2010) dans les plaines de la wilaya d’El Tarf (au Nord-est de l’Algérie) rapportent une richesse spécifique de 24 espèces au printemps mais, sur une superficie de 7 ha. Nous partageons avec ces auteurs, 6 espèces Borago officinalis ; Calendula arvensis ; Galactites tomentosa ; Hedysarum flexuosum L ; Medicago sp et Daucus carotta (Tableau 3). Cette dernière espèce nous semble assez nomade et ubiquiste, puisque Gamoun et al (2011) signalent sa présence en Tunisie sur des zones arides d’isohyète 100 à 300 mm. Alors que, Mebirouk-Boudechiche et al (2010) l’ont également identifiée en zone humide et subhumide (800-1200 mm) dans les plaines de la wilaya d’El Tarf et à Chlef sur friches, jachère, chaumes et prairies en zone semi-aride par Salhi (2013).

Nous remarquerons par ailleurs, qu’aucune espèce recensée dans les zones arides (Chehma et al 2005) ne figure sur notre liste tirée de la parcelle. Cela paraît logique compte tenu des différences pédoclimatiques entre les deux zones. De même, sur la base de Quézel et Santa (1963), aucune des espèces identifiées n’est endémique de l’Algérie.

Fréquence des espèces sur la parcelle au Printemps

Comme on pouvait s’y attendre, il y a des différences de fréquence des espèces sur la parcelle selon l’année de prélèvement des échantillons. Néanmoins, celles dont la fréquence était la plus élevée la première année ont conservé leur place de leaders les deux années suivantes (Tableau 3). C’est le cas de la poaceae Avena sterilis et des fabaceae Melilotus indica et Hedysarum flexuosum mais avec des fréquences variables selon l’année de récolte.

Ainsi, alors que Melilotus indica a été notée à une F de 6 en année 1, elle n’a occupé les cadres que 4 fois en année 3. A contrario, Galactites tomentosa : avec une F de 3 en année 1 est simplement signalée une fois (en très petite abondance) en années 2 et 3. Nous noterons également que dans l’espace-temps définis par les 3 années de mesures, nous observons une dynamique de la végétation sur la prairie. De l’année 1 aux années 2 et 3 respectivement, le nombre des espèces est passé de 9 à 13 et est resté stable entre les années 2 et 3 (Tableau 3). Certaines espèces présentes une année sur la parcelle, peut ne plus y être l’année suivante : c’est le cas de Scolymus sp de l’année 1 qui n’a été retrouvée ni en année 2 ni en année 3. Inversement: Fumariaca preolata ; Convolvulus bicolor ; Sinapis arvensis et Borago officinalis absentes en année 1 sont apparu en année 2. Tout comme : Pichris communis ; Convolvulus althaeoides ; Strachys ocymastrum et Medicago sp. en année 3. Mais, Sinapis arvensis ; Fumariaca preolata ; Chrysanthemum myconis et Hyoseris radiata présentent en année 2 n’ont pas été retrouvées en année 3.

Cette dynamique inter-années des espèces prairiales pourrait s’expliquer par deux catégories de facteurs (Balent et Stafford Smith 1993) : d’une part, ceux anthropiques par le biais du mode de gestion de la prairie et d’autre part, ceux intrinsèques au milieu interagissant avec la spécificité végétative de chaque espèce (annuelles, ou vivaces) : facteurs pédoclimatiques en relation avec les besoin spécifiques de chaque espèce : régime hydrique et température en particuliers. Néanmoins, la pluviométrie 815,1 ; 755,3 et 901 mm respectivement en année 1 ; 2 et 3 ne semble pas expliquer cet essaimage d’espèces en années 2 et 3. Par ailleurs, dans notre cas, les pressions anthropiques sont négligeables, se résumant à une récolte de foin par an. Il reste, les conditions pédoclimatiques : la parcelle, avec un pH du sol alcalin et une faible teneur en MO, pourraient ne pas convenir à certaines espèces.

Tableau 3. Fréquences et abondances en interannuel au printemps, des espèces recensées sur la parcelle

An

Espèces

Famille

F

Abondance

Autres sites

% Cvv

% Ast

% Poa

% Fab

% autres

1

Avena sterilis

Poaceae

7

30,9

J. Tiaret MBB

Phalaris truncata

Poaceae

2

-

Melilotus indica

Fabaceae

6

54.7

J. Tiaret

Hedysarum flexuosum

Fabaceae

5

EL Tarf

Galactites tomentosa

Astéraceae

3

9,5

4,8

EL Tarf Chlef

Daucus carota

Apiaceae

1

EL Tarf MBB Chlef

Chrysantemum myconis

Astéraceae

+

Irschfeldia incana

Brassicaceae

+

Scolymus sp

Astéraceae

+

2

Avena sterilis

Poaceae

7

54,8

Phalaris truncata

Poaceae

2

Melilotus indica

Fabaceae

6

38,1

Hedysarum flexuosum

Fabaceae

2

Fumariaca preolata

Papaveraceae.

+

2,3

Galactites tomentosa  

Astéraceae

+

Sinapis arvensis

brassicaceae

+

J. Tiaret

Hyoseris radiata

Astéraceae

+

Chrysanthemum myconis

Astéraceae

1

4,8

Convolvulus bicolor

Convolvulaceae

1

Daucus carotta

Apiaceae

+

TZA

Borago officinalis

Boraginaceae

+

EL Tarf

Centaures pullata

Astéraceae

+

3

Avena sterilis

Poaceae

6

33,32

Chlef

Phalaris truncata

Poaceae

2

Melilotus indica

Fabaceae

4

38,08

Hedysarum flexuosum

Fabaceae

5

Medicago sp

Fabaceae

1

J.Tiaret ; EL Tarf

Convolvulus bicolor

Convolvulaceae

3

19,1

9,6

Galactites tomentosa  

Astéraceae

+

Daucus carota

Apiaceae

1

Centaures pullata

Astéraceae

1

Chlef

Strachys ocymastrum

Lamiaceae

3

Convolvulus althaeoides

Convolvulaceae

3

Chlef

Pichris communis

Astéraceae

1

Calendula arvensis

Astéraceae

1

EL Tarf

+ : peu abondante ; moins de 1/6 ; F : fréquence ; % Poa : % Poacées ; %Fab : % fabacées ; % Cvv : % convolvulaceae ; % Ast : % astéraceae ; % « Autres » : espèces présentes mais en très faible abondance ; J.Tiaret : jachère Tiaret ; EL Tarf ; TZA : Tunisie zone Aride ; MBB : massif de Ben Badis en Constantinois

Abondance des espèces sur la parcelle au printemps

Comme nous l’avons précisé plus haut, dans ce travail, nous avons privilégié un relevé botanique des espèces dominantes définies comme toute espèce qui aurait obtenu, une note d’abondance d’au moins 1 (Sur une échelle allant de 0 à 6). Le « résidu » est noté « autres » Les résultats définitifs apparaissent dans le tableau 3.

5 espèces (sur 20 identifiées): Hedysarum flexuosum; Melilotus indica et Medicago sp (Fabaceae); Avena sterilis et Phalaris truncate (Poaceae) regroupant 2 familles (sur 9): Poceae et Fabaceae répondent fortement à la formulation d’espèces dominantes, corroborant ainsi Abdelguerfi et Abdelguerfi-Laouar (2004) qui indiquent que, dans le pourtour méditerranéen, les ressources phylogénétiques sont dominées par les Fabacées et les Poacées.

Deux autres familles y participent plus modestement: les Convolvulaceae (pour 19% en année 3 seulement) et les Asteráceae (pour 14% notées en années 2 et 3 et signalées en année 1). Nous insisterons plus particulièrement sur les légumineuses et les graminées.

La cooccurrence des Poceae et des Fabaceae est coutumière de la plupart des prairies du monde. Néanmoins, leur contribution respective à la densité d’une prairie, peut être très variable, nos résultats le montrent très bien. Sur les trois années d’études, ces deux familles de plantes ont représenté, 86 ; 93 et 71% de la couverture végétale de la parcelle (respectivement en années 1 ; 2 et 3). Mais, leur contribution respective interannuelle a fortement varié. Ainsi, les légumineuses constituant 64 % de l’abondance en année 1 sont tombées à 41 % en faveur des graminées en année 2, puis sont remontées à 54% en année 3.

Secondairement, la participation des Convolvulaceae et des Asteráceae a fait baisser notablement les « résidus » qui s’établissent à 4,8 ; 2,3 et 9,6 % en années 1 ; 2 et 3 contre 12 ; 7 et 21 en absence de leur contribution. Cette dernière famille de plantes est très répandue en Algérie. Elle constitue dans certains travaux comme ceux de Mebirouk-Boudechiche et al (2010) dans la région d’El Tarf ; Salhi et al (2019) dans celle de Chlef, la première plante d’abondance, loin devant les Fabaceae et les Poacea.

Les saisons jouent un rôle important sur la sélectivité des formes de vie dans les PP. Ainsi, Mebirouk-Boudechiche et al (2010) ont observé dans les plaines de la wilaya d’El Tarf (au Nord-est de l’Algérie), pour les Fabaceae, des taux d’abondance nettement plus faible : 12,5 ; 34,4 et 22,0%, respectivement en automne, en hiver et au printemps. Ceux des Poaceae négligeables en hiver (0,1%), passent à 8,0% en automne et à 26,0% au printemps. Les Asteráceae sont dominantes tout au long de ces trois saisons respectivement à hauteur de 85 ; 32 et 49 %. Le rééquilibrage effectué au printemps, a permis aux Fabaceae et aux Poaceae de représenter, la moitié de la l’abondance végétale (48%), l’autre moitié étant occupée par les seules Astéraceae. Ce résultat n’est pas étonnant, sur les 4120 espèces végétales que compte le pays, les Astéraceae avec 648 espèces sont les plus représentées suivies des Fabaceae et des Poaceae respectivement 453 et 368 espèces (Marouf 2021).

La composition équilibrée d’une prairie, selon Baumont et al (2012) et Cremer (2014), serait optimale avec 70% de graminées dont 50% de bonnes graminées (fétuque, dactyles ray gras) et 15% de légumineuses. Sur cette base, notre parcelle serait trop dotée en légumineuse. La pluviométrie et le type de sol, ont une influence directe sur les potentialités agronomiques des prairies et la qualité de l’herbe. Ainsi, celles riches en graminées ont des teneurs en minéraux moins élevés que celles riches en légumineuses et en plantes divers, il en est de même pour l’azote.

Rendement en biomasse sèche et en matières azotées produites par la parcelle

Les rendements en matière fraîche (RMF) et sèche (RMS) obtenus au cours des trois années consécutives de prélèvements sont visibles dans le tableau 4.

Tableau 4. Rendements en Matière fraiche (RMF), sèche (RMS) et en RMAT de la parcelle

Années
± ET

MS %
prélèvement

RMF
(t/ha)

RMS
(t/ha)

RMAT
(t/ha)

1

14,41

50,86

7,33

0,70

2

13,90

33,63

4,67

0,39

3

13,53

29,34

3,97

0,27

Moy ± ET

13,95 ± 0,44

37,95 ± 11,39

5,32 ± 1,77

0,45 ± 0,22

CV (%)

3,1

30,0

33,3

48,8

Ils varient entre 7 (année 1) et 4 tonnes de MS (année 3). En moyenne, ils s’installent à 5 tonnes sur les trois années de mesure. Cette productivité de biomasse est élevée pour une PP en zone méditerranéenne et plus particulièrement en Algérie. En effet, une moyenne de 2,0 tonnes (0,8 à 3,0) est rapportée par Nedjraoui (2003) ; 2 tonnes par Senoussi (2010) ; 1,6 tonne par Mebirouk-Boudechiche et al (2010) et entre 2 et 5 tonnes par Salhi (2013). Salhi et al (2019) ont fait sur friche dans la région de Chlef une estimation de production de 3,8 tonnes et celle plus récente donnée par le MADR (2020) qui s’élèvent à 3,1 tonnes de MS/ha, pour les prairies naturelles (PP).

Cette dernière valeur ne rejette pas pour autant, la valeur moyenne de 5 tonnes que nous indiquons sur trois ans. En effet, la productivité des PP est connue pour être très dépendante des conditions pédoclimatiques et présentent de ce fait, de fortes variations interannuelles de Rd. Dans notre expérience, aucune des deux n’explique les différences interannuelles observées.

Quant aux rendements en MAT, exprimés en azote exporté, il s’établit à seulement 112 ; 62 et 43 kg/ha. Ces quantités sont très faibles malgré la forte production en biomasse de la parcelle, si l’on en juge par les quantités exportées par les prairies françaises par exemple : 170 à 300 kg d’azote par ha/an (INRA France, 2017). Nos faibles rendements sont expliqués par la faible teneur du sol en matière organique et une teneur en azote également faible des échantillons prélevés.

Analyse fourragère et composition en parois des échantillons prélevés au printemps

La connaissance de la composition chimique des fourrages est la première étape indispensable pour leur valorisation optimale en alimentation animale mais, elle varie avec de nombreux facteurs : l’espèce (les légumineuses sont plus riches en azote que les graminées), l’organe de la plante (feuilles plus que tiges), le stade phénologique (jeunes plantes plus que la plante âgée), Jarrige 1988. L’eau et la température influent sur toute la physiologie de la plante (Heller et al 1995). En particuliers, les fortes températures, le rayonnement solaire et la luminosité favorisent la lignification (Polle et al 1994 ; Klein et al 2014).

Dans ce paragraphe, nous insisterons plus particulièrement sur la teneur en lignine brute (ADL), premier facteur limitant de la digestibilité des fourrages (Besles et Jouany 1990) et celle en azote, activateur bien connu de l’activité microbienne dans le rumen (Hoden 1973). Rappelons que dans l’approche agronomique que nous avons faite de la couverture végétale de la parcelle, la somme de l’abondance totale des légumineuses et des graminées dans les échantillons prélevés représente 86 ; 93 et 71% respectivement en années 1 ; 2 et 3 (Tableau 3). Le poids des légumineuses dans cette abondance est élevé (64, 41 et 54 % contre 36 ; 59 et 46 % de graminées). Aussi, par certains de leurs composants comme les MAT et l’ADL, les légumineuses pourraient, dans un sens ou autre, peser sur la composition chimique des échantillons prélevés (Tableau 5).

Tableau 5. Composition en matière sèche, matière organique, matières azotées et en parois, des échantillons prélevés

ANNEES

MS %

En % MS

MO

MAT

NDF

ADF

ADL

A1 ± ET

94,56 ± 0,89a

89,97 ± 1,17a

9,61±1,99 b

62,72 ± 7,71a

41,64 ± 3,12a

8,84 ± 1,03b

A2 ± ET

91,20 ± 2,55a

87,56 ± 2,84a

8,35 ± 2,96a

56,23 ±10,5 a

34,30 ± 2,85b

4,56 ±1,95 a

A3 ± ET

88,84 ± 0,62a

90,00 ± 0,10a

6,77 ± 1,37a

69,42 ± 4,22b

45,32 ± 2,06 a

5,65 ± 0,68 a

P de l’ANOVA

NS

NS

***

**

**

***

Notes : En colonne, P de l’ANOVA analyse respectivement les différences inter années des échantillons prélevés. les valeurs affectées de deux lettres différentes sont significatives au seuil de 5%.
P : probabilité ; MS : matière sèche ; MO : matière organique ; MAT : matière azotée total ; NDF : Neutral détergent fiber ; ADF : Acid detergent fiber ; ADL : lignine ; NS : non significatif ; * : P ˂ 0,05 ; ** : P ˂ 0,01 ; *** : P ˂ 0,001 ; ET : écart type ; A1 : année 1 ; A2 : année 2 ; A3 : année 3

Les valeurs de l’ADL sont significativement différentes (P< 0,001) avec 9 ; 5 et 6% respectivement enregistrées en années 1 ; 2 et 3 pour nos échantillons. Elles sont comparables, à celles indiquées par Yahiaoui (2011) sur support : jachère, chaumes et steppe. Nous rappelons ici que, les travaux de Van Soest et Wine (1967) et ceux de Giger (1985), ont montré que les légumineuses fourragères sont plus riches en lignine que les graminées. La teneur en lignine de l’échantillon prélevé sera donc d’autant plus élevée que les légumineuses seront bien représentées et inversement. C’est bien ce que nous obtenons. La plus forte teneur en ADL : 9% correspond bien à la plus forte représentativité des légumineuses des échantillons en année 1 : (64%) et inversement : 5% pour 41% et 6% pour 54 %. Des trois espèces de légumineuses spontanées dominantes inventoriées, seule Hedysarum flexuosum (communément appelé Sulla) a fait l’objet de travaux spécifiques en Algérie par exemples Kadi et al(2010) ; Ait Aoudia et Atek (2017) ; Kadi et al (2017) ; Zirmi–Zembri et Kadi (2020). Il en est ressorti que la teneur en ADL a varié entre 9 et 11% et les MAT entre 17 (floraison) et 22 % (bourgeonnement).

Par ailleurs, pour des auteurs algériens, notamment Boussaïd et al (1995) ; Ben Fadhel et al, (2006), la pression anthropique que Hedysarum flexuosum subit, justifierait, un plan de sauvegarde de l’espèce. Elle ne subsiste qu’en Algérie et au Maroc et est classée sur la liste rouge de l'UICN (l’Union international de conservation de la nature).

Quant à la teneur en MAT des échantillons prélevés, comme pour la lignine brute, l’année 1 est remarquée avec 10% de la MS contre 8 et 7 % en années 2 et 3 (P< 0,001). Ces deux dernières valeurs étant statiquement comparable (Tableau 5). Tout comme pour ADL en année 1, c’est la proportion de légumineuses dans le mélange échantillonné (64%) qui a déterminé sa teneur en MAT.

La teneur en MAT des légumineuses cultivées et récoltées en Algérie s’étale de 15 à 25% de la MS (Chibani 2013), celle est de Hedysarum flexuosum de 19% en moyenne. En mélange avec d’autres espèces, la teneur de 10% du mélange que nous obtenons est acceptable. Néanmoins, il aurait été souhaitable que la composition chimique soit réalisée pour chacune des espèces présentes sur la prairie.


Conclusion


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